Comme nous le disions dans l'article
précédent, La Paz ne regorge pas de choses à faire dans la ville
mais les agences proposent de nombreuses activités à quelques
heures de route. Une des plus connues est certainement l'ascension du
Huayna Potosi, une montagne haute de 6088m, réputée « facile »
(c'est quand même un 6000m).
Julien a cette idée en tête depuis le
départ mais l'on attendait de voir comment nous allions réagir à
l'altitude. L'acclimatation étant plutôt bonne et Ash et Abida (le
couple rencontré à la lagune de Potosi) voulant également le
faire, nous nous laissons tenter par l'aventure.
Jeudi 24 Novembre :
La veille, nous avons essayé le
matériel qui nous servira pour l'escalade. Il est composé de :
- Une paire de chaussure plastique
- Une paire de crampons
- Un sur-pantalon et une veste
- Une paire de grosses moufles
- Un piolet
- Un baudrier
- Un casque
- Des guêtres
Le tout est plutôt lourd
mais pour le moment nous ne devons pas porter l'équipement.
Après un rapide débriefing
du programme des prochains jours, notre petit groupe monte dans la
voiture direction le refuge numéro 1 à 4600m d'altitude. Il y a
donc Ash et Abida (anglais), Marc et Anja (un australien et une
danoise) et nous deux. Plus deux guides pour le moment, un 3ème
viendra nous rejoindre demain.
Arrivés au refuge, nous
rencontrons deux gars qui viennent de redescendre du sommet. Ils
l'ont fait ! Ils ont l'air plutôt physique mais ils sont
complètement à bout. Ce n'est pas vraiment rassurant...
Après un petit repas, nous
répartissons notre équipement dans nos sacs car nous allons marcher
jusqu'au glacier pour un entrainement de marche sur glace,
d'utilisation du piolet et un petit peu d'escalade sur glace pour le
fun car dans l'ascension il n'y a pas « d'escalade » à
proprement parler.
A peine la marche commence
que nous sentons que les 200m de dénivelé d'aujourd'hui ne vont pas
être une partie de plaisir avec les gros sacs. L'altitude se fait
bien sentir. Nous commençons à 4600m et nous nous entrainerons à
4800m !!! (Pour rappel, l'altitude du Mont Blanc est de 4813m. Je
sens venir la remarque du 4807m mais au dernier relevé avec la
couche de glace qui a grossi, le Mont Blanc était à 4813).
Dans la montée, Aurore
fatigue vraiment et elle doit s'arrêter souvent. Malgré
l'usage de feuilles de coca, l'aller est très difficile et elle
prend alors le décision de monter jusqu'au deuxième refuge à 5300
mètres mais de ne pas tenter pas le sommet ce qui permet également
de ne pas avoir à transporter son matériel au deuxième refuge.
L'entrainement n'est pas non
plus facile. Les guides nous font monter, descendre des parois de
glace à 45°, faire et refaire un petit circuit qui fait travailler
toutes les techniques qu'ils ont expliquées. C'est très intense et à
cette altitude, vraiment fatigant.
Marc et Julien vont même
jusqu'à tenter le challenge du guide de réussir le parcours en 1
minute. Ils le font mais finissent à bout de souffle. Forcément...
qui irait courir au sommet du Mont Blanc ?
Après l'escalade de glace,
nous ramassons les affaires et quittons le glacier.
La descente est plus facile
mais ça tire vraiment sur les jambes. Les guides nous disent alors
que nous avons la possibilité de prendre des porteurs pour la
journée de demain qui s'annonce bien plus compliquée (nous devons
monter au 2ème refuge situé à 5300m d'altitude).
Julien voulant garder un
maximum de ressource pour l'ascension trouve l'idée bonne et Ash et Abida aussi (surtout que les porteurs ne sont pas cher, environ 10
euros). Nous prenons donc deux porteurs. Marc et Anja décident de
tenter de monter avec leur sac.
Vendredi 25 Novembre :
Nous devons partir à 12h30
pour le 2ème refuge, c'est donc « grasse mat » (lever
8h30) …
Après une bonne soupe, nous
prenons la route. Au programme 3-4h de marche pour rejoindre le
refuge. De là où nous sommes nous ne distinguons qu'un petit point
vert sur un rocher trèèès loin dans la montagne. Ca va vraiment
être dur.
Bon la première partie on
connaît, c'est la même route que pour le glacier. Pas trop dur sans
les gros sacs. Un moment, nous bifurquons sur l'autre route, celle du
refuge. Et là les choses changent radicalement. La route démarre
sur une grosse montée étroite, pas moyen de zig-zager pour adoucir
la pente, nous devons la prendre de face, dans le dur. Vingt minutes
après, nous arrivons sur une crête en faux-plat montant, un bonheur
après la première montée ! La crête se termine même sur une
petite descente.... trop simple.
Un petite dame perdue au
milieu de nul part nous fait payer un droit d'entrée au parc (1
euro par personne). Julien demande si la suite est aussi dure que la
première partie, le guide répond qu'il n'y a pas de partie dure...
ça s'annonce mal.
La suite du parcours est
tout simplement le trek le plus dur que nous n'ayons jamais fait de
notre vie. Le chemin est en fait un amas de cailloux dont certaines
pierres instables se dérobent sous nos pieds. Certaines « marches »
sont tellement hautes qu'il faut se hisser avec les bras ce qui casse
inévitablement le rythme de la marche. Cela fait déjà 3h que nous
marchons et le refuge est encore loin, les guides nous confirment que
nous sommes un groupe lent mais ils ne cherchent pas à forcer la
marche, ils savent que nous y arriverons en avançant à notre
rythme.
Après 30 minutes, nous
atteignons un refuge, 5140m. Pas le notre... Notre agence possède le
refuge le plus haut. Ce qui est certainement un avantage pour
l'ascension mais qui sur le moment nous fait pester. Encore 1h-1h30
de marche...
La montée juste après ce
refuge se transforme en escalade et nous n'exagérons rien ! Aucun
chemin, juste une paroi rocheuse escarpée d'une quarantaine de
mètres. Un guide passe devant les autres et se place en contrebas du
groupe au cas où quelqu'un tomberait. C'est donc collé à la paroi,
agrippé aux prises dans la roche que notre petit groupe gravit cet
obstacle. Fatigant mais à la limite, c'est de cette manière que
l'on prend de la hauteur rapidement. Effort intense mais court ou
effort moindre mais sur la durée …. difficile de savoir lequel est
le mieux.
Nous arrivons enfin au
refuge. Première impression, il est beaucoup plus rustique que celui
que nous avons passé. Une petite salle pour que les guides préparent
la cuisine (pour l'eau, ils font fondre de la neige. Ils la font
bouillir pas d'inquiétude.) et une « grande » salle pour
dormir. Le couchage se résume à des matelas fins au sol, une
planche de bois a été mise en hauteur avec d'autres matelas fins. Nous
sommes 11 car Michau (un polonais) nous a rejoint aujourd'hui pour
l'ascension (il ne fait pas l'entrainement) et il a aussi un guide
avec lui. 6 en bas et 5 en haut donc, c'est déjà 1 de plus que la
capacité du refuge ! Mais bon on se serre un peu et tout va bien.
Niveau santé maintenant.
Tout le monde (sauf les guides) est nauséeux avec des maux de tête
et à bout de force. L'altitude ne pardonne pas et les infusions de
coca ne changent pas vraiment la donne. Les guides nous servent une
soupe qui passe difficilement et Julien ne se sent pas de finir son
plat de pâtes.
Les guides nous donnent le
planning de demain. Lever minuit, petit déjeuner puis on s'équipe.
Le départ pour le sommet est fixé à 1h00 pour plusieurs raisons:
nous marchons dans la neige jusqu'à la fin et la nuit, il fait
froid, donc la neige est plus dure et les crampons accrochent mieux.
Ensuite, l'idée est d'être au sommet pour le lever du soleil,
magique.
Nous nous couchons donc à
7h30. Tout
le monde essaie de dormir mais c'est difficile car il fait froid (pas
assez de couvertures pour tout le monde), le mal de
crâne perdure et pour nous, un mal de ventre et des nausées. Les
guides, par contre, ronflent allègrement !
Samedi 26 Novembre :
Minuit: lever. Aurore n'est
vraiment pas bien et bien contente de ne pas monter, Abida est trop
mal pour monter. Tous les autres se préparent.
A partir d'ici c'est Julien
qui continue à écrire car Aurore est restée dans le refuge.
La nuit ne fût pas simple.
J'ai finalement vomi dans la nuit ma soupe et les 3 pâtes que
j'avais mangées hier soir. Les guides nous avaient dit que si à
minuit nous étions toujours malades, il valait mieux rester au
refuge. En me levant, j'ai dû ressortir vomir. Le mal de l'altitude
est vraiment sans appel, mais je me demande aussi si la soupe n'y est
pas aussi pour quelque chose.
Mais bon, je ne suis pas
venu jusqu'ici pour ne pas tenter le sommet, surtout que physiquement
je sens que j'ai les jambes pour monter et mentalement (c'est
important) je suis motivé. Je m'équipe donc en tentant de contenir
le mal de tête et les nausées.
Dehors, il ne fait pas si
froid, 5-6 ° je m'attendais à moins. Je retire donc mon écharpe et
mon bonnet qui vont me tenir trop chaud dans quelques minutes. Je
suis encordé avec Michau car nous avions à peu près le même
rythme hier. Le guide est confiant, pour lui nous avons toutes les
chances de faire le sommet à la vue de notre condition physique dans
le trek d'hier.
1h00: nous partons. La
première montée passe facilement, nous arrivons sur un long
faux-plat montant rejoindre la crête de l'autre côté de la
montagne. Là je commence à avoir de sérieux maux de tête et mon
estomac me lance. A mi chemin, je demande une première pause. Pas
bon, c'est beaucoup trop tôt, nous marchons depuis 30m. Je prends un
peu d'eau, j'hésite à avaler une barre chocolatée mais je sens
qu'elle ne passera pas. La cordée repart.
A la fin de la ligne droite
il y a une montée bien raide, très courte aussi. En plein milieu,
je dois m'assoir, je suis plié en deux par les nausées. Les autres
groupes nous doublent et je dis au guide d'accrocher Michau avec eux.
Il se retrouve avec Ash et ils repartent.
Une minute, après je me
relève et reprends la montée. Arrivé en haut, je sens que je ne
pourrais pas atteindre le sommet. Le plus dur est devant et je viens
de passer 10 minutes dans une montée qui en nécessite 5. Je regarde
mon altimètre: 5400m. Rapide calcul, j'ai fait 100m en une heure il
en reste 600 …. Adieu le sommet et à partir de là, à quoi bon
continuer ? Le guide me donne 5 minutes pour voir. Je lui donne ma
réponse au bout de 3 minutes : « Vamos al refugio »
(« On va au refuge »).
La descente se fait en 15 minutes.
C'est limite déprimant …
Arrivé au refuge, je me
recouche et j'entends 1h après moi Anja qui rentre elle aussi. Elle
est cuite, pas forcèment malade mais à bout. Les autres
redescendront bien plus tard après avoir atteint le sommet ! 6088
mètres, bravo les gars !
Nous sommes redescendus vers 9h,
il nous a fallu 2h30 pour refaire le chemin inverse. Notre mal de
ventre n'est passé que lorsque nous sommes redescendus un peu. La
descente a aussi été difficile, Julien avait récupéré le gros
sac et Aurore le petit. Et n'ayant quasiment pas dormi, ni mangé, le
moindre effort physique est très dur!
Enfin, nous sommes bien arrivés
en bas et après un petit repas , nous repartons sur La Paz. Là,
douche chaude et dodo!
Ces trois jours
se sont révélés très durs mais très intenses. Monter à une
telle altitude est extrêmement fatigant et on ne sait jamais
comment son corps réagira. C'est en tout cas un bon entraînement
pour le Népal où nous voulons monter au camp de base situé à
environ 5300 mètres.
Pour conclure,
Julien est bien décidé à revenir réessayer ce sommet. Aurore non.
©Wikipédia |
J'imagine à peine comment le parcours devait être dur. Rien qu'en repensant à la via ferrata j'ai des frissons alors escalader une montagne à 5000 m d'altitude !! Vous n'avez pas eu le vertige au-delà des problèmes liés à l'altitude? En tout cas je vous tire mon chapeau !
RépondreSupprimerBravo aux alpinistes.
RépondreSupprimerC'est vraiment très téméraire d'avoir voulu monté plus de 6000 m sans entrainement. Vous avez presque réussi; merci pour les explications : nous avons parcouru cette gigantesque montagne comme si nous y étions. J'en ai mal aux jambes et en plus j'ai le vertige.
La seule montagne que j'ai gravie avec Thérèse est le Brévent à 2500 m. Je sais c'est moins haut mais interdiction de vous moquez ...
Cher Julien, n'oublie pas de fêter la sainte Aurore le 13 décembre et embrasse ta gentille petite femme de ma part
Super le récit !
RépondreSupprimerBravo à vous 2, à vous lire on se rend bien
compte que ça n'a pas dû être facile ...
Dans 9 mois, entrainement sur le Mont Blanc
et vous repartez ;)
Bonne continuation !
Ah, le 13 aujourd'hui bonne fête Aurore !!
RépondreSupprimerJe n'ai qu'une chose à dire, BRAVO!!!
Vous êtes impressionnants...
Heureusement ma collègue m'a traduit (elle aussi est une road trippeuse!)
RépondreSupprimerLe meilleur récit depuis le début de ce blog!
RépondreSupprimerJe te félicite Julien!
Pas mal pour un début, 5300 mètres il faut les faire ! Bon Julien quand tu rentres je t'entraînes et dès que tu est prêt on se le refais en footing. On en profitera pour faire quelques sommets aux alentours. Il y en a des moins haut mais plus dur à faire, notamment près du lac titicaca. On pourrait aussi faire le Sajama qui est le point culminant de la Bolivie (6540m).
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