vendredi 9 décembre 2011

Huayna Potosi


Comme nous le disions dans l'article précédent, La Paz ne regorge pas de choses à faire dans la ville mais les agences proposent de nombreuses activités à quelques heures de route. Une des plus connues est certainement l'ascension du Huayna Potosi, une montagne haute de 6088m, réputée « facile » (c'est quand même un 6000m).
Julien a cette idée en tête depuis le départ mais l'on attendait de voir comment nous allions réagir à l'altitude. L'acclimatation étant plutôt bonne et Ash et Abida (le couple rencontré à la lagune de Potosi) voulant également le faire, nous nous laissons tenter par l'aventure.

Jeudi 24 Novembre :

La veille, nous avons essayé le matériel qui nous servira pour l'escalade. Il est composé de :

  • Une paire de chaussure plastique
  • Une paire de crampons
  • Un sur-pantalon et une veste
  • Une paire de grosses moufles
  • Un piolet
  • Un baudrier
  • Un casque
  • Des guêtres
Le tout est plutôt lourd mais pour le moment nous ne devons pas porter l'équipement.
Après un rapide débriefing du programme des prochains jours, notre petit groupe monte dans la voiture direction le refuge numéro 1 à 4600m d'altitude. Il y a donc Ash et Abida (anglais), Marc et Anja (un australien et une danoise) et nous deux. Plus deux guides pour le moment, un 3ème viendra nous rejoindre demain.

Arrivés au refuge, nous rencontrons deux gars qui viennent de redescendre du sommet. Ils l'ont fait ! Ils ont l'air plutôt physique mais ils sont complètement à bout. Ce n'est pas vraiment rassurant...
Après un petit repas, nous répartissons notre équipement dans nos sacs car nous allons marcher jusqu'au glacier pour un entrainement de marche sur glace, d'utilisation du piolet et un petit peu d'escalade sur glace pour le fun car dans l'ascension il n'y a pas « d'escalade » à proprement parler.

A peine la marche commence que nous sentons que les 200m de dénivelé d'aujourd'hui ne vont pas être une partie de plaisir avec les gros sacs. L'altitude se fait bien sentir. Nous commençons à 4600m et nous nous entrainerons à 4800m !!! (Pour rappel, l'altitude du Mont Blanc est de 4813m. Je sens venir la remarque du 4807m mais au dernier relevé avec la couche de glace qui a grossi, le Mont Blanc était à 4813).
Dans la montée, Aurore fatigue vraiment et elle doit s'arrêter souvent. Malgré l'usage de feuilles de coca, l'aller est très difficile et elle prend alors le décision de monter jusqu'au deuxième refuge à 5300 mètres mais de ne pas tenter pas le sommet ce qui permet également de ne pas avoir à transporter son matériel au deuxième refuge.

L'entrainement n'est pas non plus facile. Les guides nous font monter, descendre des parois de glace à 45°, faire et refaire un petit circuit qui fait travailler toutes les techniques qu'ils ont expliquées. C'est très intense et à cette altitude, vraiment fatigant.
Marc et Julien vont même jusqu'à tenter le challenge du guide de réussir le parcours en 1 minute. Ils le font mais finissent à bout de souffle. Forcément... qui irait courir au sommet du Mont Blanc ?
Après l'escalade de glace, nous ramassons les affaires et quittons le glacier.

    


La descente est plus facile mais ça tire vraiment sur les jambes. Les guides nous disent alors que nous avons la possibilité de prendre des porteurs pour la journée de demain qui s'annonce bien plus compliquée (nous devons monter au 2ème refuge situé à 5300m d'altitude).
Julien voulant garder un maximum de ressource pour l'ascension trouve l'idée bonne et Ash et Abida aussi (surtout que les porteurs ne sont pas cher, environ 10 euros). Nous prenons donc deux porteurs. Marc et Anja décident de tenter de monter avec leur sac.

Vendredi 25 Novembre :

Nous devons partir à 12h30 pour le 2ème refuge, c'est donc « grasse mat » (lever 8h30) …
Après une bonne soupe, nous prenons la route. Au programme 3-4h de marche pour rejoindre le refuge. De là où nous sommes nous ne distinguons qu'un petit point vert sur un rocher trèèès loin dans la montagne. Ca va vraiment être dur.

Bon la première partie on connaît, c'est la même route que pour le glacier. Pas trop dur sans les gros sacs. Un moment, nous bifurquons sur l'autre route, celle du refuge. Et là les choses changent radicalement. La route démarre sur une grosse montée étroite, pas moyen de zig-zager pour adoucir la pente, nous devons la prendre de face, dans le dur. Vingt minutes après, nous arrivons sur une crête en faux-plat montant, un bonheur après la première montée ! La crête se termine même sur une petite descente.... trop simple.
Un petite dame perdue au milieu de nul part nous fait payer un droit d'entrée au parc (1 euro par personne). Julien demande si la suite est aussi dure que la première partie, le guide répond qu'il n'y a pas de partie dure... ça s'annonce mal.


La suite du parcours est tout simplement le trek le plus dur que nous n'ayons jamais fait de notre vie. Le chemin est en fait un amas de cailloux dont certaines pierres instables se dérobent sous nos pieds. Certaines « marches » sont tellement hautes qu'il faut se hisser avec les bras ce qui casse inévitablement le rythme de la marche. Cela fait déjà 3h que nous marchons et le refuge est encore loin, les guides nous confirment que nous sommes un groupe lent mais ils ne cherchent pas à forcer la marche, ils savent que nous y arriverons en avançant à notre rythme.
Après 30 minutes, nous atteignons un refuge, 5140m. Pas le notre... Notre agence possède le refuge le plus haut. Ce qui est certainement un avantage pour l'ascension mais qui sur le moment nous fait pester. Encore 1h-1h30 de marche...


La montée juste après ce refuge se transforme en escalade et nous n'exagérons rien ! Aucun chemin, juste une paroi rocheuse escarpée d'une quarantaine de mètres. Un guide passe devant les autres et se place en contrebas du groupe au cas où quelqu'un tomberait. C'est donc collé à la paroi, agrippé aux prises dans la roche que notre petit groupe gravit cet obstacle. Fatigant mais à la limite, c'est de cette manière que l'on prend de la hauteur rapidement. Effort intense mais court ou effort moindre mais sur la durée …. difficile de savoir lequel est le mieux.
Nous arrivons enfin au refuge. Première impression, il est beaucoup plus rustique que celui que nous avons passé. Une petite salle pour que les guides préparent la cuisine (pour l'eau, ils font fondre de la neige. Ils la font bouillir pas d'inquiétude.) et une « grande » salle pour dormir. Le couchage se résume à des matelas fins au sol, une planche de bois a été mise en hauteur avec d'autres matelas fins. Nous sommes 11 car Michau (un polonais) nous a rejoint aujourd'hui pour l'ascension (il ne fait pas l'entrainement) et il a aussi un guide avec lui. 6 en bas et 5 en haut donc, c'est déjà 1 de plus que la capacité du refuge ! Mais bon on se serre un peu et tout va bien.

Niveau santé maintenant. Tout le monde (sauf les guides) est nauséeux avec des maux de tête et à bout de force. L'altitude ne pardonne pas et les infusions de coca ne changent pas vraiment la donne. Les guides nous servent une soupe qui passe difficilement et Julien ne se sent pas de finir son plat de pâtes.
Les guides nous donnent le planning de demain. Lever minuit, petit déjeuner puis on s'équipe. Le départ pour le sommet est fixé à 1h00 pour plusieurs raisons: nous marchons dans la neige jusqu'à la fin et la nuit, il fait froid, donc la neige est plus dure et les crampons accrochent mieux. Ensuite, l'idée est d'être au sommet pour le lever du soleil, magique.
Nous nous couchons donc à 7h30. Tout le monde essaie de dormir mais c'est difficile car il fait froid (pas assez de couvertures pour tout le monde), le mal de crâne perdure et pour nous, un mal de ventre et des nausées. Les guides, par contre, ronflent allègrement !


Samedi 26 Novembre :

Minuit: lever. Aurore n'est vraiment pas bien et bien contente de ne pas monter, Abida est trop mal pour monter. Tous les autres se préparent.

A partir d'ici c'est Julien qui continue à écrire car Aurore est restée dans le refuge.
La nuit ne fût pas simple. J'ai finalement vomi dans la nuit ma soupe et les 3 pâtes que j'avais mangées hier soir. Les guides nous avaient dit que si à minuit nous étions toujours malades, il valait mieux rester au refuge. En me levant, j'ai dû ressortir vomir. Le mal de l'altitude est vraiment sans appel, mais je me demande aussi si la soupe n'y est pas aussi pour quelque chose.
Mais bon, je ne suis pas venu jusqu'ici pour ne pas tenter le sommet, surtout que physiquement je sens que j'ai les jambes pour monter et mentalement (c'est important) je suis motivé. Je m'équipe donc en tentant de contenir le mal de tête et les nausées.
Dehors, il ne fait pas si froid, 5-6 ° je m'attendais à moins. Je retire donc mon écharpe et mon bonnet qui vont me tenir trop chaud dans quelques minutes. Je suis encordé avec Michau car nous avions à peu près le même rythme hier. Le guide est confiant, pour lui nous avons toutes les chances de faire le sommet à la vue de notre condition physique dans le trek d'hier.

1h00: nous partons. La première montée passe facilement, nous arrivons sur un long faux-plat montant rejoindre la crête de l'autre côté de la montagne. Là je commence à avoir de sérieux maux de tête et mon estomac me lance. A mi chemin, je demande une première pause. Pas bon, c'est beaucoup trop tôt, nous marchons depuis 30m. Je prends un peu d'eau, j'hésite à avaler une barre chocolatée mais je sens qu'elle ne passera pas. La cordée repart.
A la fin de la ligne droite il y a une montée bien raide, très courte aussi. En plein milieu, je dois m'assoir, je suis plié en deux par les nausées. Les autres groupes nous doublent et je dis au guide d'accrocher Michau avec eux. Il se retrouve avec Ash et ils repartent.
Une minute, après je me relève et reprends la montée. Arrivé en haut, je sens que je ne pourrais pas atteindre le sommet. Le plus dur est devant et je viens de passer 10 minutes dans une montée qui en nécessite 5. Je regarde mon altimètre: 5400m. Rapide calcul, j'ai fait 100m en une heure il en reste 600 …. Adieu le sommet et à partir de là, à quoi bon continuer ? Le guide me donne 5 minutes pour voir. Je lui donne ma réponse au bout de 3 minutes : « Vamos al refugio » (« On va au refuge »).
La descente se fait en 15 minutes. C'est limite déprimant …
Arrivé au refuge, je me recouche et j'entends 1h après moi Anja qui rentre elle aussi. Elle est cuite, pas forcèment malade mais à bout. Les autres redescendront bien plus tard après avoir atteint le sommet ! 6088 mètres, bravo les gars !

Nous sommes redescendus vers 9h, il nous a fallu 2h30 pour refaire le chemin inverse. Notre mal de ventre n'est passé que lorsque nous sommes redescendus un peu. La descente a aussi été difficile, Julien avait récupéré le gros sac et Aurore le petit. Et n'ayant quasiment pas dormi, ni mangé, le moindre effort physique est très dur!
Enfin, nous sommes bien arrivés en bas et après un petit repas , nous repartons sur La Paz. Là, douche chaude et dodo!

Ces trois jours se sont révélés très durs mais très intenses. Monter à une telle altitude est extrêmement fatigant et on ne sait jamais comment son corps réagira. C'est en tout cas un bon entraînement pour le Népal où nous voulons monter au camp de base situé à environ 5300 mètres.

Pour conclure, Julien est bien décidé à revenir réessayer ce sommet. Aurore non.

©Wikipédia

7 commentaires:

  1. J'imagine à peine comment le parcours devait être dur. Rien qu'en repensant à la via ferrata j'ai des frissons alors escalader une montagne à 5000 m d'altitude !! Vous n'avez pas eu le vertige au-delà des problèmes liés à l'altitude? En tout cas je vous tire mon chapeau !

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  2. Bravo aux alpinistes.
    C'est vraiment très téméraire d'avoir voulu monté plus de 6000 m sans entrainement. Vous avez presque réussi; merci pour les explications : nous avons parcouru cette gigantesque montagne comme si nous y étions. J'en ai mal aux jambes et en plus j'ai le vertige.
    La seule montagne que j'ai gravie avec Thérèse est le Brévent à 2500 m. Je sais c'est moins haut mais interdiction de vous moquez ...

    Cher Julien, n'oublie pas de fêter la sainte Aurore le 13 décembre et embrasse ta gentille petite femme de ma part

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  3. Super le récit !
    Bravo à vous 2, à vous lire on se rend bien
    compte que ça n'a pas dû être facile ...
    Dans 9 mois, entrainement sur le Mont Blanc
    et vous repartez ;)
    Bonne continuation !

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  4. Ah, le 13 aujourd'hui bonne fête Aurore !!
    Je n'ai qu'une chose à dire, BRAVO!!!
    Vous êtes impressionnants...

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  5. Heureusement ma collègue m'a traduit (elle aussi est une road trippeuse!)

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  6. Le meilleur récit depuis le début de ce blog!
    Je te félicite Julien!

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  7. Pas mal pour un début, 5300 mètres il faut les faire ! Bon Julien quand tu rentres je t'entraînes et dès que tu est prêt on se le refais en footing. On en profitera pour faire quelques sommets aux alentours. Il y en a des moins haut mais plus dur à faire, notamment près du lac titicaca. On pourrait aussi faire le Sajama qui est le point culminant de la Bolivie (6540m).

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